Death-Amber
Comment se prémunir si l'Intelligence Artificielle "I.A.", pouvait influer sur notre passé ?
Ecrite en 2003.
2e Accessit, section conte. Arts et Lettres de France, Concours International Littéraire. (2003)
Le petit morceau d’ambre de couleur fauve reposait sur la grande table argentée comme le soleil reposait dans le ciel. Les rayons du soleil percèrent difficilement les nuages, illuminant faiblement une petite clairière d’herbe séchée. Aux alentours, les arbres n’avaient plus de feuilles. La fin de l’année était proche. Deux hommes étaient assis dans l’herbe et obsevaient les arbres silencieusement. L’un blond et l’autre brun, et vêtus de simples chemises chaudes à carreaux.
- Tim, je crois que nous sommes perdus.
- Ne vous inquiètez pas. J’ai mes cartes et mes photos satellite. Si on se perd, avec ça, on peut rentrer illico.
- Je crois que j’ai fait une boulette. J’ai oublié l’ordinateur portable.
- Et vous pouvez me dire sur quoi Vous êtes assis ?
- Oh ! Excusez-moi. C’est le stress d’être ici.
Ils déambulèrent à travers la forêt de sapins et arrivèrent à une petite route de montagne. Elle formait un virage les séparant du vide. Loin en contre-bas, la vallée s’étendait à perte de vue.
- Il faut descendre en longeant la route pour atteindre la zone Noverminurbis. Une voiture qui descendait attira leur attention. Ils lui firent signe. Il s’agissait d’un puissant pick-up noir aux vitres teintées. Elle s’arrêta à leur hauteur. La vitre électrique descendit.
- Vous vous êtes perdus ? Vous êtes dans une ancienne zone militaire. - Euh ! Oui. Où allez-vous ?
- New-York.
- Vous pouvez nous y déposer ?
- Bien sûr. Montez !
Dans une projection de graviers, le pick-up repartit.
- William Bausend.
- Enchanté. Timoléon et Othon.
- Ce n’est pas américain, comme noms.
- Euh ! Non. C’est Français. Nous sommes botanistes.
- Vous avez toujours des noms bizarres les frenchies.
- Vous avez une jolie voiture, les affaires doivent bien marcher.
- Agent immobilier. Ca marche effectivement très bien. Et vous arrivez à vivre avec les plantes ?
- Eh bien !... Nous sommes là pour ça.
Cinq heures plus tard, ils arrivèrent au coeur d’une des plus grandes cités des Etats-Unis, New York. William leur proposa de les déposer à un hôtel. Mais un événement attira son attention. Il arrêta sa voiture au milieu de la route. à une centaine de mètres de là, deux individus sortirent d’une banque armes aux poings. William poussa un juron, se pencha sur le tableau de bord et sortit un pistolet de sa boîte à gants.
- Il sont armés, les agents immobiliers ? Demanda Othon à Timoléon.
Protégé par sa portière, le soi-disant agent immobilier tira une salve. Mais les deux malfaiteurs montèrent dans un autre pick-up noir et partirent en trombe.
- Bill ! Désolé les gars, mais il va falloir que je vous abandonne ici.
Une fois éjectés gentiment du véhicule, William décolla littéralement à la poursuite des braqueurs.
Ahuris, les deux explorateurs quittèrent l’avenue sous les klaxons des véhicules.
Une fois à l’hôtel, ils se restaurèrent pendant que les informations exposaient les dernières nouvelles.
- ... à la suite de ce braquage, le militaire Bill Woubleman grièvement blessé a succombé une heure plus tard à l’hôpital. Les malfaiteurs auraient pris la fuite à bord d’un véhicule diplomatique et la police n’a aucune piste sur leurs identités... Quelqu’un changea la chaîne sur un tournoi de jeu d’échecs où un homme tout vêtu de gris, immobile, réfléchissait sur le coup qu’il préparait.
Toute la journée du lendemain, Timoléon et Othon firent le tour des bibliothèques et musées pour chercher des informations qui leurs seraient utiles.
Le soir, ils reprirent toutes leurs données :
- Il y a bien quelque chose qui cloche, déclara Timoléon. Regarde ! D’après nos
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premiers calculs, avant notre arrivée ici, les ruines de l’ancienne cité se trouvaient sous la zone Noverminurbis. Or, d’après les textes que l’on a trouvés, la cité se trouve dans les Appalaches. De plus, les dates ne correspondent pas.
- On a peut-être fait une erreur de calcul avant de partir ?
- Je ne pense pas. C’est comme si le simple fait d’être ici avait changé le lieu de la cité légendaire. Pour être sûrs, il nous faut retourner dans les Appalaches, nous ne pouvons pas faire d’études du terrain ici.
Le lendemain matin, Timoléon vérifia ses calculs une dernière fois en déjeunant. On frappa à la porte.
- Qui est-ce ?
- Le service petit déjeuner.
Othon et Timoléon se regardèrent interloqués.
- Une petite seconde je vous prie, déclara Timoléon tout en se levant doucement en direction de la porte. à travers l’oeil de boeuf, il aperçut deux hommes armes au poing et visage masqué par un foulard à carreaux. à pas de velours, ils quittèrent la chambre par l’escalier de secours. Au-dessus d’eux, un coup de feu retentit. Quelques instants plus tard, une balle ricocha sur une marche métallique. Les deux fuyards accélérèrent leur descente.
Une fois dans la petite ruelle, ils coururent à toutes jambes vers l’avenue. Une balle les frôla. Dans leur course, ils tombèrent sur un pick-up noir identique à celui de l’agent immobilier.
- Vas-y grimpe, il n’y a personne dedans. Ils démarrèrent à toute trombe.
- William ne va pas être content.
- Ce n’est pas sa voiture, regarde.Othon montra un sac rempli de billets de banque. C’est le pick-up de celui qui s’est fait descendre, hier.
- Cela veut dire que l’on a piqué l’argent des deux malfaiteurs. Cela ne va pas les calmer. J’aimerais savoir pourquoi ils nous en veulent.
- Tu crois qu’ils sont au courant pour notre travail ici ?
- Impossible. On va dans les montagnes, ils ne pourront deviner notre destination.
Durant leur retour vers les Appalaches, des flocons de neige humidifièrent la route.
- Tim ! Derrière il y a un véritable arsenal pour mener une guerre. Plus des
valises diplomatiques.
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- Il faut quitter cet endroit au plus vite.
Le pick-up gravit le versant de la montagne à vive allure. Mais une décapotable écarlate s’approchait rapidement.
- Othon, regarde qui est derrière !
- Ce sont les deux malfaiteurs ! hurla Othon. Il chevaucha le siège et s'empara d’un pistolet-mitrailleur. Je vais les éliminer une fois pour toutes.
La course-poursuite s’engagea sur la route étroite enneigée.
- Te rappelles-tu lorsque nous sommes arrivés s’il y avait quelque chose qui nous permettrait de retrouver le sentier ? demanda le conducteur.
- Je ne sais plus, répondit Othon désolé.
Les premières salves fusèrent. Timoléon perdit son sang froid :
- Il y a trop de neige, je ne sais plus où est ce satané sentier.
à vive allure, les deux véhicules débouchèrent sur une grande plaine. Au centre, se tenait un avion privé et plusieurs voitures diplomatiques. Timoléon ne savait plus où diriger son véhicule, pris sous le feu des poursuivants et des militaires protégeant les diplomates. Mais leur pick-up blindé résista sans problème aux balles.
- Tire ! Elimine-les Othon.
Timoléon, malgré son appréhension, se déporta pour foncer sur ses assaillants. Il arracha au passage une portière d’un des véhicules militaires. Tim ne put éviter William Bausend, aperçut au dernier moment, qui l’écrasa contre les deux voitures. Tim ne décéléra pas pour autant. Mais soudain, derrière eux une immense explosion retentit, provoquée par le crash de la décapotable sur l’amas de véhicules militaires.
La puissance de l’explosion enflamma l’avion privé. Ses occupants en flamme, sautèrent désespérément dans un dernier sursaut.
à l’autre bout de la piste, Timoléon et Othon regardaient l’incendie, impuissants.
- Il faut déguerpir maintenant, déclara Tim. Charge le programme. L’informaticien tapota un programme complexe sur son ordinateur portable.
Le temps parut s’accélérer subitement. Les flammes consumèrent très rapidement les restes des carcasses. L’incendie s’éteignit tout aussi rapidement pour laisser place à une épaisse fumée noire. Quelques secondes plus tard, des dizaines d’ambulances entourèrent le lieu du drame puis disparurent aussitôt. Les nuages évoluèrent à une vitesse vertigineuse dans le ciel. La nuit enveloppa toute la montagne. Le jour se leva. Quelques dépanneuses emportèrent en quelques secondes les carcasses brûlées. Les ombres des arbres tournèrent rapidement. La nuit. Le jour. Fonte des neiges. Nouvelle
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chute de neige. Les jours défilèrent. Deux semaines s’écoulèrent. Une lumière plus aveuglante que mille soleils recouvrit le ciel, accompagnée de centaines d’éclairs.
Flottant comme des anges, Othon et Timoléon assistèrent à l’accélération du temps pour rejoindre leur laboratoire. Une onde de choc passa à quelques mètres sous leur pieds : devant eux, l’étendue enneigée et derrière une étendue noire de désolation. La guerre totale nucléaire faisait rage.
Les deux visiteurs attendaient de rentrer chez eux. Les années remontées, une aveuglante lumière jaune les enveloppa. Ils s’extraire du petit morceau d’ambre qui reposait toujours sur la table en argent, pour retrouver leur corps physiques inertes. Mais soudain, ils s’élevèrent comme attrapés par un géant. Ils franchirent à tour de rôle, le plafond du laboratoire, le toit et les nuages. Tout devint blanc autour d’eux comme s’ils étaient au coeur du soleil. Ils surent avec horreur qu’ils étaient morts.
“Rapport du major de détachement des cyber-commandos des zones contaminées.”
Récit relatif à l’enquête menée au bloc sous-terrain n°23.16, à partir des informations trouvées dans le laboratoire, diverses notes, expertises et étude complète du Système Matriciel de Visite du Temps Holographique.
Comme vous pouvez le constater, les deux paléontologues gouvernementaux sont décédés des suites d’une exposition intense à divers virus et autres agents radioactifs, probablement enfermés dans l’ambre branchée au système matriciel. (Liste complète en annexe.)
Voulant aller trop vite sur leur étude de l’ambre qu’ils avaient trouvée le mois dernier en région Noverminurbis (ancien Etat de New York), les consignes de sécurité n’avaient visiblement pas été prises.
Cher Président, je vous soumets une remarque qu’il faudra traiter au plus vite. Il s’agit des divers troubles psychologiques rencontrés chez nos chercheurs et informaticiens. Il apparaît évident que l’informaticien Othon, a inclus inconsciemment ses divergences mentales lors de la programmation de la matrice temporelle. Sans quoi, leur visite du temps n’aurait pas dû se terminer par ce drame.
Sans son aversion refoulée du gouvernement les hologrammes nommés William Bausend et Bill Woubleman n’auraient pas existé. Vous pourrez remarquer là l’intensité dissidente que cachait Othon. Le nom Bausend est composé des anciens mots anglais “cause” et “end ” que l’on pourrait traduire et donc en déduire dans notre langue moderne : “La fin provoquée
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par le Gouvernement”.
Bien évidemment, vous aurez aussi compris que l’autre nom exprime : “L’homme
double”. Il y a aussi la présence de ces deux braqueurs assassins qui sont eux aussi omniprésents dans leur périple temporel, qui ne sont psychiquement que leur alter-ego... recherchant la richesse et le pouvoir par la trahison.
Je vous recommanderai donc d’établir un conseil d’urgence afin d’évaluer nos chercheurs agréés sur le plan socio-psychologique et d’écarter sur le champ toute personne présentant une quelconque divergence .
Mais il y a une autre réflexion à laquelle il faut nous intéresser en rapport avec cette histoire tout de même étrange.
Si les deux braqueurs et les deux agents gouvernementaux n’avaient pas été présents, est-ce que les répercussions n’auraient pas annulé le processus de destruction de l’ancienne cité New York, ainsi que le reste de l’humanité de cette époque lointaine ?
Question absurde me répondrez-vous, puisqu’il s’agit d’une matrice programmée. Aussi, comme nous sommes dans un univers virtuel, il ne peut y avoir de coïncidence sur la réalité et qui plus est, sur le passé.
Pour répondre à cette question quelque peu bizarre, il serait intéressant de mener des études pointues d’un tout nouveau genre, dirigées par des informaticiens spécialisés en Informatique Etrange qui seraient capables de détecter les Syndromes Matriciels Paradoxaux.
Après cet élément curieux, vous pourrez ressentir une incompréhension qui vous dépasse et vous demander comment cela est-ce possible ?
Mais je n’ai pas là non plus de réponse. Timoléon et Othon sont-ils responsables de la destruction de cette cité ? Je ne peux l’affirmer.
Je demande donc une commission d’enquête pour travailler dans ce sens et engager vos trois meilleurs informaticiens pour une formation expérimentale sur les compétences qui dépassent la réalité virtuelle. Tout ceci pour éviter que notre civilisation ne disparaisse, non pas dans un cataclysme nucléaire, mais dans les profondeurs abyssales holo-virtuelles. Enfin, sachez que ceci est une première dans les études informatiques depuis 134 ans.
Major en chef et cyber-docteur en parapsychologie. Ioung Arachens.
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